Du 15 au 18 juin, Vivatech, le plus grand rendez-vous parisien de la tech, a attiré 91.000 visiteurs dans la « ville lumière ». Cette année, les startups africaines ont fait la part belle à l’e-santé, au climat et aux fintechs. Les premiers Africatech Awards organisés avec le concours de l’International Finance Corporation (IFC) et Proparco, ont révélé de nouvelles pépites venues d’Afrique anglophone.
Au parc des expositions de Versailles, c’est l’affluence des grands jours. Des milliers de curieux sillonnent les allées de Vivatech, organisé aux portes de Paris sur plus de 45.000 mètres carrés, dès l’ouverture du salon. Après une annulation en 2020 et une saison en demi-teinte en 2021, suite à la pandémie de Covid-19, cette année les professionnels de la tech étaient de retour.
Les pavillons d’Egypte, de l’île Maurice, de République démocratique du Congo (RDC) ou encore d’Afrique du Sud, ont porté haut, les couleurs des innovations du continent, dans un espace dédié aux startups africaines (l’Africatech).
Depuis sa création en 2017, Vivatech a accueilli plus de 1.000 startups venues du continent. Plusieurs présidents africains comme Macky Sall (Sénégal), Paul Kagamé (Rwanda) ou Félix Tshisekedi (RDC) ont déjà foulé les allées de la porte de Versailles pour promouvoir la tech made in Africa. Cette année, Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), avait fait le déplacement.
Parallèlement aux stands d’exposition autour desquels se pressaient investisseurs et curieux, des conférences thématiques animées par des figures de l’écosystème numérique africain à l’instar de l’influenceuse camerounaise Rebecca Enonchong ou d’Iyinoluwa Aboyeji, président du fonds « Futur Africa », ont ponctué les sessions africaines de Vivatech.
De Ryan Roslansky, CEO de LinkedIn à Bernard Arnault, PDG de LVMH accompagné de Livi, l’avatar du groupe, en passant par Volodymyr Zelensky, président ukrainien intervenu sous forme d’hologramme, nombreuses étaient les personnalités à avoir répondu à l’appel de ce rendez-vous parisien, à la satisfaction de Maurice Levy, président du Conseil de surveillance de Publicis à la manœuvre dans l’organisation de Vivatech. Au troisième jour de ces rencontres, le président Macron tout juste rentré d’Ukraine s’est rendu sur le salon en lançant le défi d’atteindre les 100 licornes françaises à l’horizon 2030.
La Health Tech africaine s’invite porte de Versailles
Emmanuel Neyeng Assom, entrepreneur camerounais à la tête de la startup OuiCare (e-santé) créée en juin 2018, est en pleine recherche de fonds. Un peu à l’écart de l’Africatech, il multiplie les entretiens BtoB. « J’ai discuté avec deux ou trois fonds d’investissement depuis ce matin », se réjouit-il mi-concentré, mi-fatigué par le brouhaha qui l’entoure. « Quand mon père a été hospitalisé, l’établissement qui l’a accueilli ne disposait pas de son dossier médical. Le temps de faire tous les examens avant de décider d’un traitement, il était mort », explique-t-il rétrospectivement. « C’est comme ça que l’idée de créer un dossier médical numérique est née (…) J’ai commencé en fonds propres avec quelques centaines d’euros et aujourd’hui, OuiCare sert déjà près de 50.000 utilisateurs. Nous cherchons à lever 1 million d’euros pour développer nos activités », ajoute-t-il.
Un peu plus loin, Serge Mbela, président-fondateur d’Aksantinet (Aksanti : « merci » en Sawahili), présente sa startup spécialisée dans la détection de faux médicaments en RDC. Sur un petit présentoir, des contrefaçons trompent la vigilance du quidam. « Vous voyez ! Il est impossible de différencier les vrais médicaments des faux », s’exclame-t-il, en tournant les plaquettes de comprimés entre ses mains. L’entrepreneur a trouvé une solution. « Nous produisons des codes barres sur des étiquettes de chaque médicament, pour vérifier leurs références. Nous avons déjà 18.300 références enregistrées », précise-t-il. La startup propose aussi une solution qui permet de localiser les médicaments disponibles et leur coût (en intégrant le prix des transports).
Sous le pavillon égyptien, Bokdoc cherche plus de visibilité pour promouvoir sa plateforme de tourisme médical (dentaire, esthétique, dermatologie, gynécologie, neurochirurgie, orthopédie, cardiologie..). L’entreprise présente en Afrique et au Moyen-Orient ne connaît pas la crise. « Aujourd’hui, Bokdoc, c’est 30 spécialités, 1 500 chirurgiens et plus de 70 hôpitaux (…) Nous enregistrons une croissance à trois chiffres ! Nous recherchons 2 millions de dollars pour accompagner notre développement. En Afrique, nous sommes déjà présents en Egypte, au Soudan, en Erythrée, en Libye et au Maroc et nous envisageons de nouvelles destinations comme le Kenya et le Nigéria », explique Ahmed Hamada Elawady, CEO-fondateur de la startup.
L’Afrique anglophone rafle les AfricaTech Awards
En 2022, un nouveau prix a vu le jour, l’AfricaTech Awards, lancé avec la SFI (la Société financière internationale, l’antenne de la Banque mondiale dédiée au secteur privé), et soutenu par Proparco (Groupe Agence française de développement, AFD). Sur 300 dossiers de candidatures, 45 dossiers de startups africaines ont été sélectionnés, dans trois secteurs clé : la fintech, l’health-tech et la climate-tech.
A elle seule, la fintech a rassemblé 124 candidatures, devant la santé (95) et le climat (93). Le secteur privé s’est impliqué pour soutenir les innovations africaines, répondant ainsi aux objectifs de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le groupe Orange a sponsorisé l’Africatech Awards dans la catégorie consacrée à l’e-santé, New Energy Nexus, celle dédiée au climat et Cassava Technologies, celle qui s’est intéressée aux fintechs.
Peu avant l’ouverture du salon, Makhtar Diop, directeur général d’IFC, rappelait que 80 % des startups africaines faisaient état de difficultés d’accès aux financements, d’où l’intérêt d’« initiatives comme les AfricaTech Awards, qui réunissent entrepreneurs, gouvernements et investisseurs -qui- sont essentielles pour mobiliser les ressources et le soutien dont les startups ont besoin afin de passer à l’échelle sur le continent ».
Selon le rapport Briter Bridges, en 2021, les startups africaines ont levé 4,9 milliards de dollars. Ce chiffre a presque doublé par rapport à 2020 où il plafonnait à 2,4 milliards de dollars. Pourtant, au regard de 100 milliards levés par les startups européennes et les 330 milliards par les nord-américaines, la marge de progression reste considérable. De plus, l’Afrique anglophone concentre l’essentiel des fonds. Près de 80% des fonds levés dans les startups en Afrique, sont directement orientés vers le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Egypte, d’après Proparco.
C’est donc sans surprise que les trois premiers prix de l’Africatech Awards furent décernés à des startups anglophones. WEEE Center, l’entreprise kenyane spécialisée dans la gestion des déchets électroniques remporta l’Africatech Awards du climat, Chefaa, la startup égyptienne (pharmacie online) celui de la santé et la Sud-africaine Clik2Sure (assurance basée sur le cloud), celui de la fintech.
Source de l’article : Afrique latribune