L’entrepreneuriat des jeunes est devenu une mode en Afrique. Il est présenté comme une panacée au chômage des jeunes. De Bamako à Brazzaville, les idées des jeunes entrepreneurs poussent comme des champignons, mais pourtant elles peinent encore à se transformer en véritable startup à forte valeur ajoutée. Les jeunes sont souvent lancés dans la direction de réalisation de projets, de création d’entreprises alors qu’ils n’y sont nullement préparés.
On ne s’improvise pas entrepreneur, cela se prépare comme on prépare un examen ou la participation à une compétition, surtout que celle-ci ne dure pas une minute ou une journée mais toute la vie.
Les jeunes doivent être prêts à cela pour éviter que l’aventure ne conduise à une impasse, à la frustration et puis à la révolte. À l’identique de ce qu’on constate ici où là, quand les trouvailles « géniales » des décideurs se transforment en festival de désillusions et d’échecs social.
Dans ce domaine, il faut au préalable que les autorités créent les conditions pour la réussite de l’entrepreneuriat des jeunes. Ceux-ci doivent bénéficier d’un environnement favorable. Cet environnement favorable est établi par un plan national entrepreneurial et devrait se traduire aussi par la création de conditions locales favorables pour porter avec des chances de succès les initiatives entrepreneuriales des jeunes.
Plan National Entrepreneurial
Le Plan National Entrepreneurial (P.N.E) doit permettre au pays de se doter d’une structure publique nationale en charge des questions de la promotion et du soutien aux jeunes entrepreneurs. La structure nationale doit être active sur l’ensemble des segments utiles à sa mission. Elle doit être outillée pour engager l’accompagnement des jeunes sur le chemin de la création et de la gestion d’entreprise. Elle doit comporter un volet d’information sur tous les domaines et sujets utiles à connaitre. Elle doit également avoir des aptitudes en matière de formation et de renforcement des capacités des jeunes porteurs de projets. Les volets de financement et de garantie pour faciliter l’accès aux ressources ne doivent pas être négligés car constituent souvent le goulot d’étranglement pour les jeunes entreprenants.
Le dispositif national de soutien à l’entrepreneuriat des jeunes doit être mu par la culture du résultat et la responsabilisation des jeunes qui doivent être aidés mais non maternés. Ils doivent être sensibilisés sur leur responsabilité première dans le succès ou l’échec de leur projet et être conscients qu’ils ne sont pas seuls à être soutenus. Le discours de vérité, à l’opposé des promesses sans lendemain, est un facteur de mobilisation et surtout une arme anti frustration et autres accusations gratuites dont sont friands les jeunes qui échouent.
Il illustre la gestion objective et neutre qu’il faut imprimer aux stratégies de soutien à l’entrepreneuriat des jeunes. Gestion objective et neutre à l’opposé de la politisation de ces initiatives qu’on observe trop souvent sur le continent. La politisation permet sans doute de recruter de militants supplémentaires pour les partis au pouvoir mais elle crée au moins autant de ressentiments à l’égard de ces partis, ce qui leur sera sans doute préjudiciables.
Les actions à destination des jeunes, notamment celles visant à les aider à se prendre en charge doivent emprunter la voie de la bonne gouvernance, de la transparence absolue et être mises en œuvre avec un souci absolu d’équité. Il en va de la crédibilité et de leur efficacité auprès des bénéficiaires.
Au niveau local, les initiatives publiques doivent être déclinées pour s’adapter aux contextes et permettre aux autorités publiques d’agir au plus près des bénéficiaires jeunes. L’antenne locale des structures publiques dédiées à la fonction doit être active et bénéficier des marges de manœuvre suffisantes pour adapter les stratégies nationales aux spécificités de son environnement. Elle doit pouvoir informer de manière exhaustive sur le marché local, les opportunités locales, et engager des politiques d’accompagnement des jeunes entrepreneurs conformément à leurs besoins. Elle doit pouvoir coordonner les initiatives nationales au niveau local. La structure doit avoir la capacité d’action auprès des services publics locaux pour renforcer son action, la crédibiliser et aider les jeunes entrepreneurs à avancer. Par exemple, elle doit pouvoir faciliter l’accès à la commande publique pour les jeunes porteurs de projets, simplifier leurs démarches administratives, obtenir pour eux des formations et accompagnements spécifiques par les services publics (impôts, industries…) etc.
L’antenne locale du dispositif public de soutien à l’entrepreneuriat jeune doit pouvoir aider à la constitution d’écosystèmes d’entrepreneurs locaux, de réseaux d’entrepreneurs qui se soutiennent et collaborent ainsi que des initiatives privées d’accompagnement avec lesquels elle mettra en place des axes de collaboration. La fonctionnalisation d’associations, de clubs de mise en réseau des entrepreneurs ou de mise en commun de leurs plateformes administratives participe de ce principe.
Enfin, sur le plan local, il doit être identifié des jeunes entrepreneurs ayant connu le succès dont l’exemplarité inspireront les jeunes débutants. Dans ce domaine comme dans d’autres, le modèle vivant est plus motivant et plus entrainant que toutes les thèses !
De manière générale, l’entrepreneuriat doit être cultivé, dès l’école, afin que les enfants et ensuite les adolescents en soient imprégnés et grandissent avec l’idéal d’être porteurs de projets tout en étant conscients des efforts importants à faire dans cette perspective. En aucun cas, cette aventure ne doit être une voie de dégagement pour diplômés chômeurs n’ayant pas trouvé d’emploi salarié. Il faut que cela relève de véritable vocation, et pour en avoir, il faut que cela soit encouragé dès le bas âge !
Le jeune entrepreneur lui-même doit savoir cultiver certaines qualités pour réussir. Il doit porter son projet plutôt que l’emprunter à quelqu’un d’autre. Ce qui exige de lui d’être original, d’avoir la capacité à convaincre les autres et surtout de savoir le mettre en œuvre. Le jeune doit être prêt à tous les sacrifices pour réaliser son projet, il ne doit pas hésiter à engager ses propres moyens à cela, ce qui sera un bon indicateur de sa croyance en lui-même et en son idée. Il doit savoir faire preuve d’opiniâtreté, y croire et y croire encore malgré les difficultés et les échecs. C’est dans l’adversité que les caractères se forgent et c’est en franchissant les obstacles qu’on s’endurcit et qu’on se renforce pour mieux gérer les défis futurs. Le parcours d’un entrepreneur, le plus grand comme le débutant est toujours semé d’embuches, savoir y faire face sans défaillir et baisser les bras est la marque des champions.
Le jeune porteur de projet doit également avoir le ressort adéquat pour se remettre en question, procéder aux changements qu’il faut quand il le faut afin d’améliorer son entreprise et conforter son développement. La remise en cause doit pouvoir aller jusqu’au changement de projet et à l’engagement de nouvelles idées. Le jeune entrepreneur doit enfin savoir se motiver dans le succès comme dans l’échec et avoir une ambition grandissante, ne jamais se contenter d’un succès relatif, et penser continuellement aux futures conquêtes (la commune, la ville, après le pays, ensuite l’Afrique et pourquoi pas le monde !).
- Les mesures :
La première action consiste en la création du Statut Etudiants Entrepreneurs. Les établissements d’enseignements supérieurs auront ainsi à leur charge depuis de sensibiliser leurs étudiants à la « culture d’entreprise » afin de donner envie au plus grand nombre de se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat tout en accentuant l’insertion en milieu professionnel. Toutes les filières de l’enseignement seront concernées par l’obligation de former les jeunes à cette nouvelle dimension professionnelle.
Un « référent entrepreneuriat » délégué par le ministère de l’enseignement supérieur doit se rendre nommé au sein de chaque établissement d’enseignement supérieur. Son rôle principal est de favoriser l’accès à l’entreprenariat des jeunes en les conseillant sur les aides et subventions disponibles et de faire la promotion de la création d’entreprise.
La deuxième action du plan en faveur de l’entrepreneuriat des jeunes : le déploiement national des Junior-Entreprises et la participation au concours « Osons le Congo ».
Les Junior-Entreprises doivent être créées et actives dans chaque université, les écoles de formations supérieures. Véritables PME créées au sein de chaque établissement, elles permettent aux étudiants de concevoir et de lancer un projet à l’échelle, de le faire mûrir, de l’adapter au marché.
Commerce, marketing, gestion, finance…tous les aspects de la conduite d’une activité sont abordés par les étudiants, encadrés par des responsables pédagogiques. L’occasion de mettre en application les connaissances théoriques sur un plan concret tout en développant l’image de marque et la notoriété des établissements.
La troisième action consiste en la création du statut Auto-entrepreneur
La réduction de la charge fiscale afférente aux opérations d’acquisition des matériels, outillages, biens d’équipement et terrains nécessaires à la réalisation de l’investissement.
La réduction des taux d’imposition sur les revenus et les bénéfices.
L’octroi d’un régime fiscal préférentiel en faveur des Auto-Entrepreneurs et des Junior-Entreprises.
La perception du rôle de l’Etat chez les entrepreneurs est révélatrice des problèmes que rencontrent les nouvelles générations d’entrepreneurs et porteurs de projets au Congo. Leurs principales revendications sont : la levée des obstacles qui entravent l’entrepreneuriat, l’appui financier, l’encadrement, l’accompagnement et la formation, ce qui suggère la mise en place d’une politique publique multidimensionnelle concertée et coordonnée, avec tous les partenaires, ce dont nous avons plaidoyer dans notre article.
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