Comment Fatima Beyina Moussa a plombé ECAIR?


Tout avait pourtant bien commencé pour la compagnie nationale ECAIR, lancée en 2011 grâce à des finances publiques, donc avec l’argent du contribuable congolais. Brazzaville, Pointe-Noire, Douala, Cotonou, Libreville, Bamako, Dakar, Kinshasa, Bruxelles, Paris, Dubaï, Lomé, Malabo et Luanda, étaient les destinations qu’avait multiplié la compagnie. Mais à peine trois (03) ans après le lancement de ses activités, ECAIR fait faillite. Comment Fatima Beyina Moussa a plombé ECAIR ?


Les congolais étaient fières et content, de savoir qu’ils avaient dorénavant une compagnie aérienne qui desservait plusieurs destinations dont ils prisaient. En plus d’être nationale, ECAIR était devenue le symbole de la croissance et la réussite congolaise. Interrogée par Jeune Afrique en 2014, Fatima Beyina Moussa, Directrice Générale à l’époque, voyait déjà la compagnie nationale prendre l’altitude, tout en se donnant l’ambition de concurrencer des mastodontes comme Ethiopian AirlinesRoyal Air MarocKenya AirwaysAir France, dans le ciel africain.

Une gestion hasardeuse, des salaires exorbitants pour l’équipe managériale

Hélas, ce n’était que la poudre aux yeux. ECAIR, était gérée avec un management hasardeux. Des salaires faramineux pour l’équipe managériale et des consultants externes, des dépenses hors budget, des billets vendus au rabais pour les membres influents du clan présidentiel et du PCT. Bref ECAIR était gérée comme une épicerie familiale.

C’est à la suite d’un audit diligenter par le Ministère des finances, après la cessation définitive des activités et les nombreux procès dans lesquels s’était embourbé la compagnie, que les failles dans la mauvaise gestion d’ECAIR ont été rendus public. Morceaux choisis.

Tout d’abord il y avait le statut juridique de cette compagnie dont la cour de cassation en France lors de l’audience publique du 7 décembre 2016, informa dans sa décision que ECAIR n’était en fait pas une compagnie d’émanation étatique, mais une entreprise privée comme toute société anonyme.

Nous rappelons que cette audience de la cour de cassation, faisait suite au pourvoi en cassation de trois entreprises qui avaient procédé à la saisie d’un avion Ecair à Roissy le 11 avril 2015 à cause d’une créance de 73 546 717, 84 euros. Ces trois entreprises avaient considéré ECAIR comme une compagnie publique donc Étatique.

Mais, la cour de cassation leur avait donné tort en rejetant ce pourvoi aux motifs que la compagnie Ecair n’était pas une émanation de l’Etat et qu’elle était une société anonyme classique. Ce malgré la répartition du capital suivante :

1- 70 % ÉTAT
2-  15% Port de pointe noire
3-  15% HELI AVIA

L’État congolais avait donc dépensé de l’argent public pour le capital de cette entreprise, acheter les avions et fait un emprunt bancaire auprès d’une banque locale pour une entreprise qui juridiquement n’était pas l’émanation étatique, de ce fait l’État n’avait aucun contrôle sur cette entreprise dont la gestion était pilotée par un conseil d’administration avec pour PCA, le conseiller du Président de la république.

Or, un des axes pour rentabiliser une activité de compagnie aérienne, c’est la maîtrise des dépenses. Mais, voilà, Ecair SA bénéficiant des fonds publics avec des dirigeants qui ne pouvaient rien craindre de la justice, ont géré la société de façon sans tenir compte des règles de l’équilibre financier indispensable dans la gestion d’une entreprise.


Ainsi donc, cette mauvaise gestion était aussi due principalement par le choix des partenaires étrangers. Le PCA, le Ministre Bouya jusqu’en 2013, signe en 2012 le contrat à l’assistance technique avec une société luganaise( COEM) et le Directeur de cette société était en même temps Directeur de projet. Ensuite le DGA d’ECAIR était aussi Directeur chez COEM. Un vrai conflit d’intérêt. Aussi, cette entreprise COEM facturait 1500 euros, la journée de travail pour placer ces consultants payés en moyenne 8 000 EUR par mois. En 2015, ces dépenses représentaient pas moins de 480 000 EUR pour 15 employés à temps plein mis à disposition chez ECAIR par COEM.

Triste est de constater que Fatima Beyina Moussa, alors DG, présentée à l’époque par plusieurs journaux, comme une femme rigoureuse et compétente, n’est pas réagit pour stoper toutes ces dépenses. Non, elle a laissé faire. Une preuve, qu’elle n’avait pas la carrure pour assurer cette fonction.

Rassurez-vous, il y a pire. Entre 2013 à 2016, la compagnie COEM a facturé près de 22 millions d’euros à ECAIR. En plus de cette entreprise suceuse de fonds, il y avait aussi la société PRIVATAIR, dont le contrat avec ECAIR était un contrat du siècle sans contrepartie réelle. L’arrêt de la cour de cassation était très édifiant, faut le lire. Le Droit quand il est dit et rendu ainsi c’est une matière fort instructive. En fait, au regard des statuts, la cour de cassation nous dit que les statuts de ECAIR ne révèlent pas de mainmise de l’État et que la compagnie avait toute son indépendance fonctionnelle. Voilà tout est dit !

Au final, celle qui se donnait l’ambition de faire d’ECAIR une compagnie pouvant rivaliser avec des mastodontes comme Ethiopian AirlinesRoyal Air MarocKenya AirwaysAir France, à échouer par manque de rigueur et d’exigence. En somme, Fatima Beyina n’était sans doute pas, la personne qu’il fallait pour diriger cette entreprise, dans laquelle le gouvernement congolais a beaucoup investit. Elle était une vraie fierté nationale, un « Mwana Mboka » comme on sait le dire chez nous.

Aujourd’hui des bruits de couloirs racontent que, pour sa tentative de relance, Fatima Beyina Moussa, se voit encore être DG d’ECAIR. Est-ce une bonne idée ? Ne serait il pas judicieux, de nommer de véritables experts ? Pourquoi pas des étrangers ayant déjà occupés des postes similaires ?