Startups au Congo, mythes ou réalités?

Depuis quelques années, le continent Africain s’éveille au concept « startup ». Fini, le temps où les nations pouvaient compter uniquement sur leurs ressources naturelles pour créer la richesse. La chute des cours des matières premières ont presque mis tous les Etats (non ou peu industrialisés) sur un pied d’égalité en matière de capacité à créer de la valeur. De ce fait, la seule richesse qui compte vraiment est l’innovation et par conséqu

Dans leur fantasme de Station F, chaque pays essaie de pousser les jeunes entreprises innovantes. Des incubateurs naissent ici et là,  en espérant qu’un futur Facebook, Google, voie le jour en Afrique. 

Toutes fois, de  nos jours le concept « Startup » devient un concept fourre-tout. C’est le cas au Congo-Brazzaville, où ce concept est devenu légion auprès de certains jeunes, qui pour avoir développé une simple application mobile, réaliser un site pour une agence de communication,  font  passer leurs réalisations  pour des révolutions technologiques et donc des startups. Tant d’idées pauvres se retrouvent ainsi traduites en entreprises supposées être à haute valeur ajoutée.

Pourtant, si l’on demandait de citer une seule  Startup Congolaise dont la croissance suit la logique qui est de créer de la valeur ajoutée, et de croitre rapidement,  nous aurons du mal et je vous mets au défi de le faire. Par ailleurs dans ce pays, nous avons eu des « startups » ayant remportés des prix et concours, connues  dans des médias d’ici et d’ailleurs, se portent t’elles bien aujourd’hui ? Non !

Alors avons-nous des startups au Congo ?

Puisque, pour des raisons évidentes, la question m’intéresse, j’ai essayé de dresser une liste, non exhaustive, de 6  choses qui, selon moi, prouvent que nous ne pouvons pas parler de startups au Congo.

Manque d’écosystèmes intégrés, mal adaptés, n’ayant pas de model économique

Une start-up est le produit d’un écosystème. Rien, dans ce monde, n’existe en vase clos. Les écosystèmes les plus forts et les plus intégrés donnent naissance aux meilleurs produits car, tel qu’il est impossible de lancer seul une boîte et réussir, il est impossible qu’une start-up, sans contact avec d’autres, devienne un succès. Les start-up ont besoin d’un écosystème, et l’écosystème, d’elles.

Or, ce que nous voyons au Congo,  c’est du chacun pour soi. Oublions un peu les événements autour de l’Entrepreneuriat où l’on feint d’être une famille. La réalité est qu’on voit le projet de l’autre comme une concurrence, quand bien même on ne serait pas dans le même secteur. Parce qu’on craint qu’il réussisse avant nous, l’on essaye d’entacher ses succès en  faisant parfois courir des fausses rumeurs à son sujet.

C’est une conséquence de notre écosystème éducatif où, parce qu’il faut un premier de la classe, on est prêt à tout, quitte à piétiner les autres, pour atteindre la première marche.

En Afrique francophone en général, et au Congo en particulier,  l’on ne connait pas encore la valeur du travail en équipe. L’individu a la précellence sur l’équipe, et le porteur de  projet, sur l’écosystème. Or, ce qu’on voit ailleurs, ce sont des porteurs de projets  qui travaillent de concert, même lorsqu’il y a des chances que leurs futures startups  soient concurrentes. Nous avons les exemples de la French Tech,  où les start-up appartenant à cet écosystème apprennent à compter les unes sur les autres.

 On utilise les solutions des  autres projets  de l’écosystème afin de grandir ensemble. En Afrique, c’est le contraire. On essaye plutôt de faire ce que l’autre fait déjà au lieu de se concentrer sur son cœur de métier. L’on veut absolument être le seul gagnant.

Ajouté à cela le manque de véritables mentors, les entreprises qui n’ont aucun scrupule lorsqu’il s’agit de s’approprier les idées des jeunes porteurs projets, et les médias qui, en échange de quelques sous, sont prêts à écrire des articles dithyrambiques et mensongers. Enfin, ces structures de formations dites « incubateurs de projets »

Manque de ressources humaines idoines

Une start-up, c’est avant tout une équipe. Pas une personne. Pas son founder, mais une équipe, c’est-à-dire un ensemble de personnes, de compétences, réunies autour d’une même vision, d’une même mission, d’un même objectif. Il est facile de trouver des salariés, des personnes auxquelles l’on dit quoi faire et qui le font, mais difficile de trouver les ressources humaines dont a besoin une start-up, qui plus est en early stage, c’est-à-dire qui n’a pas d’argent.

Il ne s’agit pas juste de personnes compétentes, mais de gens passionnés, curieux, qui posent des questions, épousent la vision, font du projet le leur et font ainsi avancer les choses.

Ces gens sont difficiles à trouver parce qu’au Congo tout comme en Afrique, on forme des employés, des gens qui veulent avant tout la sécurité d’un emploi (ils ne sont pas à blâmer, au reste), et non des gens prêts à porter une vision, à s’investir pour une cause plus grande que leur seule personne. Car, c’est cela que travailler dans et pour un de création d’une  start-up. Ce sont des sacrifices à longueur de temps dans l’espoir d’un futur radieux, un futur qui demeure incertain.

Intégrer une start-up, c’est s’engager dans une relation amoureuse sans être certain de la réciprocité des sentiments. C’est faire un pari avec le destin.

Le founder a bien entendu une grande part de responsabilité ici, car s’il ne sait pas traduire clairement la vision de la start-up, convaincre les bonnes gens de l’intégrer, et les manager comme il se doit, il est lui-même un problème. Parce qu’on peut être un excellent entrepreneur et ne pas être un bon manager. Il faut être suffisamment humble pour le reconnaître et s’effacer lorsqu’il le faut. A défaut, il n’est jamais trop tard pour se former, de préférence en entreprise.

Fracture numérique et haut débit

L’Afrique a connu la plus forte croissance mondiale en termes d’accès à l’internet au cours de ces récentes années. Ayant enregistré un fort taux de croissance d’accès à l’internet mobile, il faut le dire, le Congo a fait de grands progrès en termes de connectivité numérique. Cependant, avec seulement une partie de la population connectée, le Congo est très loin derrière certains pays Africains. Le coût élevé des forfaits internet au Congo, le faible débit et des bandes passantes qui ne dépassent pas les 2GB, contribuent en tout cas, à cette fracture numérique. Il faut ajouté aux raisons évoquées, la difficulté des usagers d’accéder aux équipements informatiques et un fort taux d’illectronisme au Congo.

Résoudre la fracture numérique pourrait transformer les sociétés africaines. Les emplois et la richesse créés par des nations où l’internet est aisément accessible pourrait bénéficier à un grand nombre de secteurs dont la santé, le transport, l’énergie et l’agriculture en premier lieu.

Manque de fonds pour supporter la croissance

De nombreux projets de  start-up à fort potentiel de croissance stagnent par manque de moyens. La croissance a un coût. Dit ainsi, cela peut passer pour une phrase que l’on jette à tout va, mais la croissance a réellement un coût. L’on peut avoir une belle idée de start-up, s’attaquer au bon marché, à la bonne cible, avoir une bonne équipe, exécuter l’idée à la perfection, si l’on n’a pas les moyens pour supporter sa croissance, on stagnera, puis, on mourra.

Ces moyens sont souvent l’achat de serveurs, l’acquisition de nouvelles compétences ou le financement des déplacements pour toucher de nouveaux marchés. Il faut de l’argent pour ce faire. C’est la raison pour laquelle, n’ayant d’autres choix, certains porteurs de projets de startups  se voient contraints de participer à des concours, dans l’espoir d’avoir un peu de cash pour se lancer.

Les banques et les entreprises Congolaise  ne savent pas ce qu’est une start-up, elles sont allergiques aux risques et ne veulent pas acheter une idée. Et les taux d’intérêt sont beaucoup trop élevés, 

D’aucuns pensent qu’il suffit d’avoir une plateforme web ou une application mobile pour pouvoir conquérir le monde. Or, l’acquisition de chaque nouvel utilisateur ou nouveau client a un coût, de même que la gestion de chacun de ces utilisateurs ou clients. Ces fonds manquent à nombre de start-up qui sont obligées, faute de financement, d’attendre d’avoir suffisamment de cash pour grandir.

L’accès à l’information

La grande difficulté des porteurs de projets au Congo et qui freinent l’éclosion des startups, c’est l’accès à l’information. Pour exemple, plusieurs porteurs de projets, entrepreneurs Congolais, ne sont pas au courant qu’il existe des structures de levées de fonds telles que les plateformes de Crowfunding dans les quels elles peuvent levées des fonds pour supporter la croissance de leurs projets.

Ce genre d’information, les Congolais ne le savent pas et peinent vraiment à financer leurs projets. On se demande, de quoi parle-t’-on lors des différentes conférences sur l’entrepreneuriat au Congo ? Ce manque d’accès à l’information peut s’expliquer donc par la faible pénétration d’internet déjà préciser plus haut et une faible culture digitale. Parce qu’on peut avoir internet sur son téléphone, mais encore il faut savoir s’en servir pour trouver les bonnes opportunités.

Lourdeur administrative, Absence du soutient de l’état

La lourdeur des procédures, notamment administratives, freine les initiatives entrepreneuriales. Au Congo-Brazzaville, il existe pourtant un organisme dédié à la l’enregistrement des pièces pour la création de son entreprise, le CFE (Centre de Formalités des Entreprises) avec un guichet unique. Pourtant au grand étonnement des jeunes Congolais, la procédure est plus longue et nécessite parfois des dessous de table.

Il sied de rappeler que dans ce sens, quelques efforts ont été faits par le gouvernement Congolais par le biais de son Ministère des Petites et Moyennes Entreprises en Charge de l’Artisanat. D’autres entités en vue le jour pour faciliter et accompagner les entrepreneurs Congolais parmi lesquels nous pouvons citer : L’ Agence Congolaise pour la Création de l’Entreprise, la DGPME et le FIGA.

Toutefois, les difficultés restent encore les mêmes en terme de lourdeur administrative. Pour exemple, un jeune entrepreneur Burkinabè peut en moins d’une semaine réaliser toutes les démarches administratives pour la création de son entreprise et obtenir son NUI. Au Congo, il faut attendre jusqu’à 3 mois et parfois un an, sauf si vous avez des « relations » au sein de l’administration pour accélérer les choses.

Le développement des start-up n’est pas soutenu par l’État

De nombreux porteurs de projets au Congo-Brazzaville, se plainent du manque de soutient des autorités Congolaises dans le secteur entrepreneurial. On a la nette impression que les autorités congolaises ne prêtent pas attention aux projets des jeunes en matière d’entrepreneuriat, pourtant ces projets sont synonymes de croissance et création de valeur ajoutée. Malgré les nombreuses conférences, et nombreux séminaires organisés dans ce pays en collaboration avec les ministres de tutelle, aucune avancée n’a pu être constatée.

Or pour parler de startups, vendre à l’étranger, il faut que l’Etat soit au côté de ces porteurs de projets, ces créateurs de l’innovation. C’est le cas de la France et sa French Tech portée par le président Emmanuel Macron, soutenu par les organismes publics qui vend l’innovation française au delà de ses frontières.