Non, une loi sur les startups ne peut garantir le développement de l’écosystème entrepreneurial


C’est au cours d’un entretien donné à un média pendant le salon VIVATECH, que le Ministre Congolais des Postes et Télécommunications du Congo en Charge de l’Economie Numérique Léon Juste IBOMBO, a martelé que la loi sur les startups proposé et adopté par le parlement, permettra le développement de l’écosystème entrepreneurial et numérique au Congo. Une question toute simple, m’ est venue à l’esprit et c’est la suivante : une loi peut-elle, à elle seule suffire pour développer un écosystème entrepreneurial et numérique ?


Avant de m’inscrire en faux, face au propos du Ministre des Postes et Télécommunications en Charge de l’économie numérique, j’aimerais tout d’abord définir ce qu’est un « écosystème entrepreneurial », afin que tous ensemble ayant la même compréhension du concept et de définir les indicateurs permettant de justifier l’existence d’un « écosystème entrepreneurial ».

L’entrepreneuriat est devenu un des facteurs indispensables permettant de dynamiser l’activité économique d’une région ou d’un pays. Cette activité est primordiale pour la création d’emplois, la croissance économique et le développement économique. C’est pourquoi les termes « entrepreneuriat » et « écosystème entrepreneurial » sont devenus si populaires aujourd’hui. Tout le monde en parle ; tout le monde les utilise ; ils attirent l’attention, mais la plupart des gens ne savent pas vraiment ce que c’est.

Un écosystème est « une communauté économique soutenue par l’interaction d’individus et d’organisations (Moore, 1993) ». Il se comprend comme un ensemble d’acteurs interdépendants au sein d’une même aire géographique qui ont une influence sur la formation et la trajectoire des acteurs . En ce sens, dans un écosystème entrepreneurial, l’environnement est déterminant pour la formation et la trajectoire des entrepreneurs et des entreprises.

Constitué d’un ensemble d’éléments, d’acteurs ou de conditions qui rendent propices la création et l’évolution de nouvelles entreprises, c’est un espace porteur, facilitateur et accélérateur de la formation et de la croissance d’entreprises. Un tel environnement peut inciter les potentiels entrepreneurs à se lancer dans les affaires. Première interrogation est-ce le cas chez moi au Congo Brazzaville ?

L’écosystème entrepreneurial est en fait l’environnement dans lequel interagissent tous les intervenants du milieu entrepreneurial (politique, finance, marchés, culture, capital humain, innovation, soutiens). « Dans tout pays, ces éléments sont présents, mais l’important, c’est le degré auquel ils se mélangent dans un lieu.»

On peut supposer que chaque milieu ou région donné à un écosystème entrepreneurial. Il peut s’avérer que certains éléments soient en quantité disproportionnées par rapport à un autre qui empêche à un milieu de présenter un écosystème d’équilibre. Ainsi, certains espaces économiques (pays, villes ou régions) offrent un écosystème dynamique qui les rend beaucoup plus intéressants pour le démarrage et la croissance d’un certains types d’entreprises. Des exemples d’écosystèmes dynamiques sont New York, Boston, Tel-Aviv, Waterloo et, bien sûr, la Silicon Valley ».

Chaque écosystème est donc unique. Plus les liens entre les différents acteurs d’un espace sont fréquents et en grand nombre, plus cet écosystème rend l’espace attractif pour des entrepreneurs, puisque l’environnement lui offre l’accès aux composantes essentielles à la réussite d’un projet d’affaires.

Trois ingrédients permettent d’affirmer qu’un territoire possède un « écosystème entrepreneurial »

Pour parler « d’écosystème entrepreneurial », il faut réunir trois ingrédients permettant de triompher des différents obstacles liés à l’entrepreneuriat, comme c’est le cas dans la plus part des pays, où l’entrepreneuriat apporte un plus au PIB du pays. Autrement dit, l’économie entrepreneuriale est une recette à trois ingrédients. Il faut :

  • du capital— Par définition, pour amorcer une activité nouvelle, il faut de l’argent et des infrastructures (qui sont du capital immobilisé) ;
  • du savoir-faire — Il faut des ingénieurs, des développeurs, des designers, des vendeurs : tous ceux dont les compétences sont indispensables à l’amorçage et à la croissance des entreprises ;
  • de la rébellion — Un entrepreneur va forcément contre le statu quo. S’il voulait innover dans le respect des règles, il travaillerait dans une grande entreprise, où il serait mieux payé et aurait accès à plus de ressources.

Dans tout pays où on parle d’écosystème entrepreneurial, ces trois ingrédients sont présents, même dans des proportions variables, mais elles existent. Exemple : le capital qui peut être mis à disposition d’entrepreneurs sénégalais au sein de leur « écosystème entrepreneurial », n’est pas forcément le même que celui qui peut être mis à disposition d’entrepreneurs israéliens, marocains, tunisiens ou nigérians.

Mais, l’important, d’ailleurs, n’est pas les proportions relatives de ces trois ingrédients ; c’est plutôt le degré auquel ils se mélangent, ce qui n’est pas le cas pour le Congo. Ces trois ingrédients sont manquants pour dire que nous possédons un écosystème entrepreneurial.

Est-ce que le Ministre en Léon Juste Ibombo, Ministre des Postes et Communication en Charge de l’Economie Numérique, qui crie haut et fort, que la « nouvelle loi sur les start-up » développera l’écosystème entrepreneurial au Congo, peut nous confirmer qu’actuellement le Congo, disposent de ces ingrédients ? La réponse à cette question est sans doute non !

Ce qui revient à conclure, qu’il ne suffirait pas de proposer, faire voter et promulguer une loi, pour dire que la messe est dite, désormais le Congo aura aussi sa « French Tech ». Il y a encore des marches à gravir pour que nous congolais parlions « d’écosystème entrepreneurial ».