Congo Brazzaville : sans électricité, oubliez le numérique


Il est aujourd’hui impossible de se passer de l’énergie. Elle fait partie des éléments vitaux qui permettent de simplifier le quotidien et qui contribuent au confort de vie (éclairage, froid, cuisson) et surtout fait fonctionner nos ordinateurs, smartphones et autres équipements informatiques. Or, les infrastructures informatiques consomment beaucoup d’énergie électrique et dans un pays comme le Congo où la fracture énergétique est très importante, peut-on parler de développement numérique ?


Rappelons tout d’abord les faits. Au Congo-Brazzaville, l’accès à l’électricité reste un problème majeur et ce dans toutes les régions du pays, y compris dans la riche région pétrolifère du Kouilou. C’est l’un des principaux griefs des populations envers leurs gouvernants : les coupures d’électricité. Les habitants doivent acheter des piles pour s’éclairer avec des lampes-torches, mais cet achat grève leur budget. 

D’une part, nous avons ce grand problème qu’est la fracture énergétique, très importante qui peine à être réglé depuis plus d’une décennie et d’autre part, nous avons le Ministre des Postes et Télécommunications en Charge de l’Economie du Numérique, qui nous parle de développement numérique et d’installation au Congo, du plus grande centre de recherche en intelligence artificielle Africain, financé par la BAD (Banque Africaine de Développement). C’est bien beau tout ça, mais une seule question se pose, qui est celle de savoir, comment va fonctionner ces Data Center au Congo, quand nous connaissons tous le problème d’électricité que nous avons.

De quoi parle-t-on ?

Pour ceux qui ne le savent pas, sachez que les infrastructures informatiques, consomment beaucoup d’énergie électrique. Ordinateurs, tablettes, capteurs et autres objets connectés, smartphones, réseaux sociaux, 3G, 4G, fibre, monnaies cryptographiques, blockchain, intelligence artificielle, démarches dématérialisées et autres portails web… tous ces services que propose à tous la « révolution numérique », demandent de l’énergie pour fonctionner.

  • les appareils à disposition des utilisateurs : ordinateurs, tablettes, smartphones, écrans, objets connectés, box internet, décodeurs TV, etc. ;
  • les infrastructures du réseau qui permettent le transport des données nécessaires aux services numériques : antennes relais (3G, 4G), câbles sous-marins, fibres optiques, routeurs, répartiteurs, firewall, etc. ;
  • les serveurs et appareils de stockage de données qui fournissent les différents services numé-riques : grandes entreprises du numérique, administrations, entreprises, PME, start-up ; ces ser-veurs étant globalement regroupés dans d’importants centres d’hébergement (les datacenters).

La consommation énergétique du numérique est celle liée à la consommation électrique de ces différents équipements. À cette consommation liée aux usages, il faut ajouter, dans une analyse en cycle de vie (ACV), la consom-mation d’énergie nécessaire à la fabrication des équipements et à leur traitement en fin de vie.

Le numérique représente 3 % de la consommation d’énergie finale en France

En France par exemple, la consommation énergétique est de 476 TWh et l’électricité représente environ 25 % de l’énergie finale. GreenIT estimait qu’en 2015 le numérique en France, consommait environ 56 TWh, ce qui représente environ 12 % de la consommation électrique du pays et 3 % de la consommation d’énergie finale.
Sur les 56 TWh :

  • 43 TWh pour les équipements utilisateurs à usage personnel ou professionnel (ordinateurs, ta-blettes, smartphones, box d’accès à internet, etc.)
  • 3,5 TWh pour le cœur du réseau (composants techniques pour relier les datacenters aux usagers, 3G, 4G, etc.)
  • 10 TWh pour les « datacenters »

Le Congo peut il parler d’économie numérique à l’état actuel de la fracture énergétique ?

Alors, pouvons-nous parler de développement d’économie numérique au Congo avec des projets comme le Centre de Recherche en Intelligence Artificiel, si nous n’avons pas l’énergie nécessaire pour cette économie numérique ? C’est la question que devrait se poser, nos autorités et notamment le Ministre en Charge de l’Economie Numérique. N’est-ce pas une aberration de parler sans arrêt de marche vers l’économie numérique, alors que le premier utilisateur de cette « révolution numérique », n’a pas accès à l’électricité 24h/24 pour pouvoir bénéficier des avantages qu’offre toutes ces technologies. Ne devrions nous pas d’abord résoudre en amont cette question d’électricité avant de parler d’une économie numérique.

Jamais, nous n’avons entendu le ministre en charge de l’économie du numérique Léon Juste Ibombo, évoqué la question d’électricité comme un vrai frein au développement de l’économie numérique et de proposer de travailler en amont avec le ministre en charge de l’énergie pour apporter des solutions à cette problématique qui est la clé du développement de l’économie numérique.

Nous pensons, que les priorités doivent être bien définis et que notre ministre en charge de l’économie numérique en amont de sa mission, devrait collaborer avec son collègue de l’énergie pour tout d’abord s’assurer que les congolais ont accès de façon efficient à l’électricité en mettant ce sujet sur la table du gouvernement.

Certains diront que c’est de la démagogie et que même avec cette offre énergétique au Congo, nous pouvons développer une économie numérique et des startups championnes en Afrique. Cependant, il faut être réaliste et objectif sans être émotif. Au moment où nous rédigeons cet article, le Congo est loin d’avoir une économie numérique capable de rivaliser avec des pays voisins comme le Sénégal, le Maroc, le Bénin et même le Togo.